david boring

Saturday, November 6th, 2004, 0:01

[cette critique est parue originellement sur le site bdparadisio]

daniel clowes, david boring (pantheon)

Cornélius, pour présenter le livre, parle de “synthèse” et l’éditeur parisien a drôlement raison. David Boring est une sorte de summum de l’oeuvre de Daniel Clowes (on va donc dire: “chef-d’oeuvre”, ça s’impose), qui reprend certains des aspects les plus inquiétants de l’excellent Like a Velvet Glove Stuck in Iron ainsi que des observations proprement quotidiennes à la Ghost World, et à partir de tout cela crée… quoi, au juste? De quoi parle David Boring? De rien du tout, et c’est bien la chose la plus horripilante à propos de ce livre qui semble à première vue n’être qu’une accumulation de fantasmes adolescents (tendance adulation de la reine-mère au cul rondelet).

Et pourtant, on ne peut accuser Clowes de racolage tant son récit patauge dans le malsain. Du reste, on ne peut même pas s’imaginer qu’il s’agisse d’un récit autobiographique un peu voilé, à la Chris Ware. En fait, on n’en sait rien. Jusqu’où est-ce Daniel Clowes qui parle et qui pense, et non pas son personnage? Il est impossible de le savoir à la seule lecture du livre.

La fin du monde est à nos portes? Ça n’intéresse pas le narrateur (le ci-nommé Boring), obnubilé par sa quête: la femme de ses rêves vient de se pointer juste en face de lui et du coup, il est complètement pris au dépourvu. Obsessif jusqu’à la moëlle, il ne voit absolument rien de ce qui se trame autour de lui. D’ailleurs, l’auteur, brouillant les pistes, dynamitant les intrigues, s’assure bien que le lecteur n’en voie pas davantage. Il y a bien une quête du père, quelques aspects politiques, un peu de sexe… Mais au fond, tout tourne autour du nombril du narrateur et, à la rigueur, de son amie la plus proche, la gentille lesbienne Dot.

Ennuyeux, dites-vous? C’est que le bougre ne s’appelle pas Boring pour rien. Irritant à l’extrême, le narratif du Boring réussit pourtant à éviter tous les écueils imaginables. C’est que derrière tout cette complaisance apparente se cache (et pas tant que ça) une mécanique très précise et fort bien huilée.

Jeux de miroir, effets de surface et autres prestigidations narratives… On voit bien les fils, les trous béants et pourtant… Comment est-ce que ça peut bien réussir à fonctionner, tout ça? Pourquoi est-ce qu’une oeuvre telle que David Boring est si passionnante, si puissante, si révélatrice? Le mystère est intact. Chapeau, monsieur Clowes.

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